Le 23 décembre 2025

Annuler mon prêt en francs suisse : ce qui a changé et ce que vous pouvez désormais demander

Pendant des années, les emprunteurs frontaliers ayant souscrit un prêt immobilier en francs suisses se sont heurtés à une fin de non-recevoir.
Le raisonnement était simple, mais profondément réducteur : si vous perceviez vos revenus en francs suisses au moment de la signature du prêt, vous ne pouviez pas être exposé à un risque de change.

Les décisions rendues par la Cour de cassation le 9 juillet 2025 ont mis fin à cette approche.
Elles marquent un tournant majeur et ouvrent, pour de nombreux emprunteurs, la possibilité d’agir pour annuler leur prêt en francs suisse.

Pendant longtemps : une protection refusée aux frontaliers

Dans les années 2000 à 2010, les prêts en francs suisses ont été massivement proposés aux travailleurs frontaliers.
Les arguments commerciaux étaient connus :

  • des taux d’intérêt attractifs,
  • une devise présentée comme stable,
  • l’idée rassurante de contracter dans la même monnaie que ses revenus,

.Les banques refusaient même aux frontaliers de souscrire des emprunts en euros et remboursables en euros.

Lorsque le franc suisse s’est fortement apprécié face à l’euro, beaucoup d’emprunteurs ont découvert une réalité différente :
un capital à rembourser qui augmentait mécaniquement, au point de dépasser la valeur du bien financé.

Pourtant, la justice française refusait souvent de reconnaître l’existence d’un risque de change pour les frontaliers, dès lors que leurs revenus étaient en francs suisses au jour de la signature du contrat.

Le changement fondamental : regarder toute la vie du prêt

C’est précisément ce raisonnement que la Cour de cassation a abandonné en juillet 2025.

Désormais, le risque de change ne s’apprécie plus uniquement au moment de la conclusion du contrat, mais sur toute la durée du prêt, en tenant compte :

  • de la qualité de travailleur transfrontalier,
  • de la domiciliation de l’emprunteur,
  • de la localisation du bien immobilier financé,
  • et de l’évolution raisonnablement prévisible de la situation personnelle et professionnelle.

Autrement dit, la question n’est plus :
“Étiez-vous payé en francs suisses le jour où vous avez signé ?”
mais :
“Était-il prévisible que votre situation évolue et que le risque de change se réalise au cours du prêt ?”

Ce que la banque aurait dû expliquer clairement

Ce changement s’accompagne d’une exigence renforcée à l’égard des établissements bancaires.

La Cour de cassation rappelle que la banque doit fournir une information :

  • claire,
  • compréhensible,
  • et concrète,

permettant à l’emprunteur de mesurer les conséquences économiques réelles du prêt.

Il ne suffit pas d’indiquer que le prêt est en francs suisses.
La banque devait expliquer et fournir des exemples chiffrés, par exemple sur :

  • ce qui se passe en cas de forte variation du taux euro / franc suisse,
  • l’impact sur le capital restant dû,
  • les conséquences d’une vente du bien, d’un remboursement anticipé ou d’un changement de revenus.

À défaut, certaines clauses peuvent être considérées comme abusives.

Ce que les emprunteurs peuvent désormais demander

Concrètement, cette évolution permet aujourd’hui à de nombreux emprunteurs de solliciter :

  • la reconnaissance du caractère abusif de clauses relatives au risque de change,
  • l’annulation du prêt en francs suisse lorsque ces clauses sont jugées non écrites,
  • et la restitution des sommes indûment perçues par la banque.

L’annulation du contrat remet alors les parties dans la situation où elles se seraient trouvées si le prêt n’avait jamais existé, avec des conséquences financières potentiellement importantes.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’un mécanisme automatique. Chaque situation doit être examinée au cas par cas.

Une jurisprudence encadrée, pas un blanc-seing

La Cour de cassation a également posé des limites claires.
Si la banque démontre avoir fourni une information précise, documentée et intelligible, permettant à l’emprunteur de comprendre le mécanisme et les risques sur toute la durée du contrat, l’action peut être rejetée.

C’est pourquoi une analyse sérieuse du dossier est indispensable avant toute démarche.

La prochaine étape : vérifier votre situation

Ce revirement ouvre des perspectives nouvelles, mais il suppose de répondre à une question simple :
votre prêt a-t-il été consenti avec une information réellement claire et complète sur le risque de change ?

C’est à cette étape qu’intervient l’analyse du dossier et la réunion des éléments utiles.

Si vous souhaitez savoir si vous pouvez annuler votre prêt en francs suisse, vous pouvez saisir notre cabinet via le formulaire dédié.

En conclusion

Les décisions du 9 juillet 2025 ont profondément modifié la situation des emprunteurs frontaliers.
Elles replacent le risque de change au cœur du contrat et imposent aux banques une transparence réelle, conforme au droit européen.

Pour beaucoup, ce qui semblait impossible hier devient aujourd’hui envisageable. Encore faut-il savoir si l’on est concerné, et sur quelles bases agir.

Auteur : Vincent DURAND