Le 10 juin 2025

Management en cabinet d’avocats – Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire. Ou alors… il faut apprendre à dire autrement.

Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire. Ou alors… il faut apprendre à dire autrement.

Une époque qui change, une profession à réinventer.

Pendant des décennies, la profession d’avocat s’est construite sur un modèle exigeant, presque initiatique. Ceux qui ont traversé les premières années de collaboration dans les grands cabinets savent ce que cela signifie : des horaires sans fin, une pression constante, une exigence de rigueur absolue. 

C’était ainsi. On ne discutait pas les règles du jeu.

Aujourd’hui, pourtant, le vent tourne. Les jeunes avocats posent d’autres questions, expriment d’autres attentes. Ils veulent apprendre, progresser, mais pas à n’importe quelles conditions. Ils parlent d’équilibre, de reconnaissance, de respect des limites.

Face à cette mutation silencieuse, nous, avocats d’expérience, devons nous interroger :
Assistons-nous à une évolution salutaire ou à un effritement de l’exigence qui a forgé notre métier ?

1. L’exigence n’est pas le problème : c’est la manière qui est en cause

La rigueur, la charge de travail, l’intensité intellectuelle : tout cela fait partie intégrante du métier d’avocat. Les délais sont courts, les enjeux élevés, la qualité attendue est maximale.

Ce que les jeunes générations remettent en cause, ce n’est pas l’exigence en elle-même. C’est la manière dont elle est imposée :

  • Absence de feedback,
  • Non respect voir mépris des limites personnelles,
  • Culture du sacrifice invisible.

Pendant longtemps, on a cru que l’endurance suffisait à produire l’excellence. Aujourd’hui, nous devons comprendre qu’elle n’est efficace que si elle s’accompagne d’accompagnement et de reconnaissance.

2. Une autre vision de la réussite

Le mythe du « premier arrivé, dernier parti » a longtemps structuré nos carrières. Mais les jeunes attendent autre chose.

Pour eux, réussir, ce n’est pas simplement tenir plus longtemps que les autres. C’est aussi trouver du sens dans leur travail, être formés efficacement, recevoir des retours constructifs et évoluer dans un environnement sain.

Ils savent que le monde du droit reste exigeant, mais ils refusent que la réussite soit une course à l’épuisement.

3. Transformer sans renier : l’équation délicate

Alors que faire ?
Renoncer à l’exigence pour plaire aux nouvelles générations ? Certainement pas.

Mais refuser d’écouter leur message serait tout aussi dommageable.

Le véritable défi est là :

  • Exiger beaucoup, sans exiger l’impossible.
  • Former, sans écraser. 
  • Transmettre la rigueur, sans glorifier l’épuisement.

Il ne s’agit pas de céder à une prétendue fragilité, mais d’ajuster nos méthodes pour que l’excellence soit atteinte sans laisser des talents sur le carreau.

4. Le rôle des dirigeants de cabinets : ouvrir le dialogue

Aujourd’hui, diriger un cabinet ne se limite plus à faire croître les résultats ou remporter des dossiers. Cela implique aussi d’être un formateur, un mentor, un manager.

Cela suppose d’ouvrir des espaces de dialogue, d’instaurer une culture du feedback, de prendre le temps d’expliquer, de corriger, de soutenir. 

Il ne s’agit pas d’être complaisant, mais d’être lucide : si nous voulons que les jeunes talents s’investissent durablement, nous devons comprendre qu’ils n’acceptent plus certains travers du passé. 

Conclusion : et si c’était une opportunité ?

Ce moment de bascule est peut-être une opportunité.

L’occasion de réinventer la manière dont nous transmettons les valeurs de notre profession :

  • La rigueur
  • L’endurance
  • L’excellence intellectuelle

Non pas en les diluant, mais en les portant avec intelligence.

Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire.
Ou plutôt : on ne peut plus dire n’importe comment.

Et c’est peut-être une excellente nouvelle pour les avocats que nous formons… et pour ceux que nous pouvons devenir.

Je suis curieux de connaître votre réaction “tout en mesure” par rapport à ce sujet sensible et sur un article qui ne traduit sûrement pas la position de tous les jeunes avocats.

Auteur : Vincent DURAND